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Dialogue avec Etienne Beudant à propos de l’équitation d’extérieur et la randonnée équestre

 


 

Il s’agit d’un dialogue imaginaire dont toutes les réponses sont extraites des livres d’Etienne Beudant  “Extérieur et Haute École” et “Dressage du cheval de selle”.

 

Étienne Beudant (1863-1949), a été surnommé « l'écuyer mirobolant » par le général Decarpentry tant il faisait montre de maîtrise dans le dressage des chevaux et la pratique de la haute-école.

 

Pendant ses années d'officier, il apprivoise une vingtaine de chevaux rétifs qu'aucun autre militaire ne parvient à monter. En 1892, il passe un an au Montana et l'année suivante, devient administrateur de commune mixte en Algérie. Pendant sa carrière en Afrique du Nord, il publie plusieurs études sur les chevaux Arabes, Barbes et tunisiens. Il pratique assidûment le dressage des chevaux, et présente quelques-uns de ses animaux sur les hippodromes du Maroc, où il remporte plusieurs victoires

 

Son équitation s’inscrit dans la lignée de François Baucher  et son talent est incontesté dans le milieu équestre de son époque; son enseignement à été transmis par des écuyers, notamment par son élève René Bacharach puis actuellement par Patrice Franchet d'Espèrey.

 

L'écrivain Jérôme Garcin lui dédie une biographie romancée, intitulée L'Écuyer mirobolant, récompensée du Prix Pégase en 2011.

Il est le seul écuyer français ayant traité dans ses écrits de l’équitation des grands espaces qu’il a pratiquée principalement en Afrique du Nord où ses fonctions nécessitaient de nombreux déplacements et dans le Montana.

 

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Mon Capitaine; quel plaisir trouvez-vous dans la pratique de l’équitation?

 

La plus grande jouissance équestre est certainement de courir en terrain varié [...] et je ne peux pas comprendre qu'on recherche l'exécution plus ou moins raide d'airs de fantaisie, avant d'avoir rendu le cheval agréable à monter à l'extérieur. Si j'ai fait souvent le contraire, c'est parce que les circonstances m'y ont forcé, soit par, le mauvais terrain des pays que j'ai habités, soit par le manque de qualité des chevaux que j'ai montés et qui pouvaient, tout au plus, servir à étudier la haute école.

 

Le travail à l'extérieur est la seule raison d'être du cheval.

 

On n'a pas le droit d'oublier que les assouplissements du manège et la haute école ne sont qu'un vernis d'élégance utile, mais pas absolument nécessaire à un dressage qui a pour but de rendre l'animal agréable à monter à l'extérieur.

 

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Faut-il comprendre qu’il y a une distinction à faire entre le dressage pour le manège, la promenade ou la parade et les randonnées en terrains variés?

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Il est indispensable de donner au cheval d'extérieur, de service, de chasse, de promenade, etc... la légèreté qui, seule, lui permet de coordonner judicieusement ses forces et de les ménager, mais il est superflu de le soumettre à des assouplissements tels que les différents appuyers, le rassembler ou le piaffer. Il doit, en effet, savoir uniquement partir et se maintenir à l'allure voulue, l'allonger et la ralentir facilement, bien sauter, se placer élégamment quand on le lui demande, et, à la rigueur, passager et changer correctement de pied au galop.

Or, cela est inné chez le cheval, il n'y a donc rien à lui apprendre et il s'agit tout simplement de lui faire comprendre qu'on recherche l'exécution de l'un ou de l'autre des mouvements qu'il connaît.



 

Pourtant les chevaux ne sont pas tous à l’aise en extérieur...

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En liberté, la plus vilaine rosse d'un escadron est d'une agilité surprenante. Pourquoi redevient-elle si gauche et si empruntée quand elle est montée? Ce n'est pas, autant qu'on le croit ordinairement, le poids du cavalier qui la gêne, car, sauf pour des parcours longs et pénibles, ce poids ne lui pèse guère. La véritable raison de sa mine piteuse et de sa maladresse est l'opposition que nous faisons à son équilibre. Nous empêchons le cheval de disposer comme il le ferait naturellement du poids de son corps et nous sommes cause qu'il se raidit de partout et qu'il perd ses facultés, de même que la frayeur est la cause de notre impuissance à savoir nager spontanément comme tous les autres animaux savent le faire. Dès leur jeune âge les chevaux passagent, changent de pied au galop et sautent facilement, or, quand nous les montons, ils ne savent même plus marcher.

 

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Vous dites que “Nous empêchons le cheval de disposer comme il le ferait naturellement du poids de son corps et nous sommes cause qu'il se raidit”. Autrement dit,  que nous perturbons son équilibre; comment pouvons nous solutionner ce problème?

 

Le cheval en liberté est toujours en équilibre, autrement dit, le poids des différentes parties de son corps est réparti de telle sorte sur les quatre membres, qu'il se déplace de lui-même dans tous les sens et selon le besoin.

Il est par conséquent logique de chercher toujours à laisser au cheval le plus possible de liberté.

[...] Le ramener est impropre à un travail d'extérieur fatigant ou dangereux [...]

 

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De façon pratique comment devons nous monter un cheval en randonnée pour ne pas le gêner ?

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Faire marcher le cheval en lui laissant les rênes sur le cou dans toute espèce de chemin, la nuit comme le jour. Quand il augmente l'allure dans une grimpette ou la ralentit dans une descente, tirer les rênes ou pousser les jambes pour empêcher le changement d'allure et voilà tout.

A l'extérieur, on doit se servir le moins possible des rênes et ne faire aucun effet de main quand on les utilise. S'efforcer seulement d'empêcher le cheval de se braquer ou de relâcher la mâchoire en arquant son encolure par un mauvais pli. Tâcher qu'elle reste droite et horizontale au pas, et plus élevée aux autres allures, et maintenir le cheval par la simple action d'arrêter et rendre, comme on le ferait avec le licol.


 

Est-ce que ce n’est pas dangereux?

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Le cheval doit être laissé libre, car l'instinct le conserve, le remet en équilibre infiniment mieux que ne saurait le faire le talent du plus habile cavalier. 

 

Tous ceux qui ont vu les chevaux marcher et courir dans les pays où l'on s'en sert réellement, ont été émerveillés de l'adresse de ces animaux, chargés comme des bêtes de somme ou montés par des cavaliers qui n'essayaient pas de leur indiquer la façon de conserver leur équilibre. Un cheval monté en simple licol de corde ou, encore mieux, sans rien à la tête, est toujours droit et ses allures sont régulières. C'est ordinairement le contraire quand son cavalier veut le guider.

Si, en traversant un torrent, le cheval heurte une grosse pierre, tombe dans un trou, ou est entraîné par le courant, que le cavalier se garde bien de tirer sur les rênes et il arrivera probablement sain et sauf à terre. Si dans les sentiers de montagne le cheval arrive à un passage périlleux, s'il glisse à un endroit escarpé, au moment où le cavalier aura l'impression qu'il va être précipité dans le ravin, qu'il ait le courage, qu'il ose se maintenir d'aplomb sur sa selle, en relâchant les rênes afin de laisser le cheval libre de se mouvoir à sa guise, et il sera presque certain d'éviter une chute.
Les « brancos » circulent dans les précipices du Montana avec l'habileté des singes; dans le Far-West, dans la grande prairie, les chevaux galopent à toute vitesse et pendant des heures sur un sol couvert d'une végétation sous laquelle sont cachés, à chaque pas, des trous ou des ornières ; en certains pays arabes on galope, à la chasse par exemple, à travers l'alfa ou le guetaf dont les chevaux évitent chaque touffe. Le cavalier le plus adroit qui voudrait diriger son cheval dans ces différentes régions ou bien n'avancerait pas, ou bien, s'il allongeait l'allure, ne réussirait qu'à occasionner de mauvaises chutes.

Le cheval ne peut bien marcher qu'à la condition de conserver l'équilibre instable approprié au mouvement qu'il veut exécuter, et le maintien constant de cet équilibre est le secret de la conduite du cheval. Toutefois, cela ne signifie pas qu'aux allures vives il faut lâcher son cheval. Le contact avec la bouche ne doit jamais cesser, mais il est évident que s'il peut se réduire simplement au poids des rênes tenues par leur extrémité, il n'en est pas de même aux grandes vitesses. C'est l’action de la main qui doit pouvoir cesser et non pas la relation qui est indispensable entre la main et la bouche du cheval, pour donner confiance au cavalier et pour lui permettre de diriger ou de reprendre sa monture sans à-coups.

 

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Pour ne pas perturber l’équilibre du cheval et son mouvement; quelle doit être la position du cavalier?

 

La tête ou les genoux plus ou moins élevés, les épaules voûtées ou non, cela importe peu, mais il n'en est pas de même de l'aplomb. Il est évident, en effet, que si le poids du cavalier est sur un côté de la selle, l'équilibre recherché s'obtient pas aussi facilement que si le poids était bien au milieu de la selle.

« La belle assiette à la française se caractérise par l'engagement des fesses sous soi, uni à la descente des cuisses. » (Général L'HOTTE.)

Pour que cette position soit parfaite, il faut que les jambes tombent verticalement, c'est-à-dire qu'elles ne soient ni en avant, ni en arrière, et que, surtout, elles ne s'écartent pas, qu'elles soient près du cheval.

Cette position est sûrement la meilleure. Elle est en tout cas la plus rare. Quoi qu'il en soit, elle est l'apanage des privilégiés auxquels elle donne la solidité (assis), la puissance sur le cheval qui se trouve d'autant mieux enveloppé que les jambes tombent davantage et, enfin, la justesse dans l'emploi des jambes par l'adhérence que la verticalité leur procure.

D'ailleurs, peu de gens ont assez d'aisance de rein pour rester longtemps et facilement assis dans leur selle au galop rapide ou pour s'y maintenir pendant le saut. Quelques-uns, pourtant, sont si bien liés à leur monture, qu'ils ne semblent ni la fatiguer, ni se fatiguer eux-mêmes. Mais ils sont rares et il est évident que le corps baissé en avant et s'étayant sur les cuisses, les genoux et les étriers, ainsi que sur les poignets appuyés de chaque côté du garrot, évite à l'épine dorsale du cavalier des mouvements continus de flexuosité, donne une grande solidité, soulage l'arrière-main du cheval et, surtout, permet une fixité qui préserve de tout à coup, de tout dérangement de poids inopportun.

Voilà pourquoi la position dite « de course » est, incontestablement, la plus commode et la plus favorable à la vitesse comme à la puissance du saut.

 

Quelle qualité vous paraît primordiale pour un cheval de selle?

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La docilité est, sans conteste possible, une des qualités indispensables du cheval de selle, puisque le travail à extérieur est sa raison d'être. 

 

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Quel serait pour vous le cheval idéal ?

 

L'idéal serait le cheval, qui, au manège, en promenade, à la parade, serait toujours « mis » et paraîtrait se diriger à sa guise, [...] puis qui, sur route, à travers bois et landes, dans les montagnes et les rochers, serait comme le cheval sauvage [...]

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                                                                                                      François-Xavier Bigo

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