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TRAVERSEE DE LA FRANCE A CHEVAL

 L'aventure de 8 cavaliers

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Romain, à l'initiative de ce projet nous raconte...

Comment est née l'idée de ce projet?

 

Ce projet est né de l’envie de voyager à cheval librement, sans être « accompagné ». Ce mot est d’ailleurs ambigu, car l’accompagnateur équestre n’accompagne pas uniquement : il précède, préside, dirige, organise. Bref, c’est une notion assez maternelle du voyage, qui selon moi positionne les cavaliers dans un rôle passif, assisté et inattentif.

Peu de gens savent voyager au sens large aujourd’hui. On se déplace, mais l’on ne voyage pas forcément. Ou alors avec une assurance rapatriement, un risque zéro, un encadrement, des droits, et une obsession du confort qui fait des ravages. Bref, on a les voyages que l’on mérite.

Donc, nous avons fait le choix de voyager librement, entre amis, sans être accompagnés. Ceci implique une notion de risques acceptés, donc de capacités d’organisation, d’adaptation et de bon sens. Pour quelqu’un d’éveillé, ce n’est pas difficile.

Pour le premier voyage que nous avons effectué, nous sommes partis de la Sainte Baume, près d’Aubagne, et nous avons rallié Puligny-Montrachet en Bourgogne, soit environ 1000 km en deux fois 15 jours, via Grenoble.

 

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées dans l’élaboration et l'organisation?

Tracés? Chevaux? Matériel?

 

Je n’ai rencontré aucune difficulté dans la planification des premiers voyages. Patrick (A Cheval Rando Libre) a accepté de me louer les chevaux après « avoir vu ma tronche ». Ca s’est passé comme avec les maquignons : à la poignée de main. Ensuite, personne ne doit se manquer.

Il y a assez de moyens techniques aujourd’hui pour élaborer un parcours depuis son ordinateur. Les logiciels et applications existent. Ce n’est pas difficile : il faut juste prendre son temps, savoir lire une carte et des courbes de niveaux. Savoir qu’un groupe de cavaliers aux niveaux variables n’enchainera pas plus de 5 ou 6 heures de progression par jour. Avoir des notions de base concernant l’alimentation des chevaux en randonnée, les soins, leur bien-être, et tout ce qui est logique dans ce type de voyage. Je ne verse pas spécialement dans l’éthologie ou le « mon kiki » « mon loulou », mais un cheval bien dans sa tête voyage bien mieux qu’un cheval avec le moral dans les balzanes. 

La clé de la réussite et du plaisir lors de ces voyages reste la qualité de l’intendance. Nous concernant, nous avons deux intendants au minimum. L’un conduit un fourgon et gère l’avitaillement des chevaux et le camp (enclos, tentes, bois pour le feu, cuisine, etc). L’autre conduit un 4x4 et gère les courses au quotidien, les demandes et les transferts de cavaliers. Le soir, il rejoint le premier intendant pour monter le camp.

 

Quelles sont les difficultés rencontrées lors de la réalisation? Problème de ferrage, de santé pour les chevaux, d'orientation, de météo? 

 

Il ne peut y avoir de voyage sans difficultés. C’est finalement la seule chose à laquelle il faut se préparer. Elle sont de toutes natures : les chevaux déferrent quasiment a chaque fois, ce qui est normal sur 500 km en terrain tres variable. Il est nécessaire de savoir enlever et poser un fer, ne serait-ce que pour rejoindre un maréchal.

Les problèmes de santé sont également possibles sur ces distances. Il faut anticiper logiquement avec un sac à pharmacie (chevaux et hommes). Lorsque nous voyageons, nous avons systématiquement le téléphone d’un ami vétérinaire spécialiste des chevaux, joignable 24h24. Cela facilite par exemple certains achats en pharmacie lorsque l’on a pas d’ordonnance : on entre, on passe le téléphone au pharmacien, et en 30 secondes on obtient ce que l’on veut. Notre véto-opérateur est très persuasif. Il a une voix monstrueuse qui se situe entre celle de Dark Vador et Joe Pesci.

L’orientation n’est plus un sujet aujourd’hui avec les moyens dont on dispose. Certains décident de voyager à l’ancienne, sans GPS, d’autres non. Pour la sécurité des chevaux et des hommes, je prends les deux : logiciel traceur et GPS + cartes. Les cartes ne sont pas toujours à jour de la réalité, et les clôtures et autres chasses grillagées à l’origine de grands détours ne sont pas indiquées. En résumé, il vaut mieux éviter d’arriver de nuit, après 9h de progression, suite à une modification de parcours. Mais à nouveau, cela fait partie des aléas du voyage. Il faut y être prêt, même si on cherche à l’éviter. Et pour finir sur ce sujet, peu de marins prennent la mer aujourd’hui pour 15 jours avec un simple sextant ou un astrolabe.

 

La principale prudence reste les longs segments sur route, surtout nationales. C’est la jungle, et le royaume des abrutis. Il faut être ultra vigilant, bien maitriser et connaître son cheval et se faire respecter très fermement par les voitures, camions, motos et cyclistes. Le gens ne vivent plus avec les chevaux, ne les connaissent plus. La route leur appartient sans partage, et beaucoup sont dans une sorte d’impunité ou d’inconscience en arrivant derrière une colonne de chevaux sous la pluie ou face au vent.

Je pense que le principal danger dans un voyage à cheval vient de la route. C’est là que réside le diable.

Le sujet de la météo, pour moi, n’en est pas un. Qu’il neige, qu’il pleuve ou qu’il vente, on avance. Tout le monde doit être équipé pour tout les temps. Le gros temps, l’adversité font aussi (pas uniquement) la saveur du voyage. Chacun doit savoir ou se situe son seuil de confort.

 

Quels sont tes meilleurs souvenirs?

 

Il y en a beaucoup, et la raison est simple : je voyage avec des amis. Nous n’avons que deux règles : la règle de la cuisine, et la règle de la surprise.

Pour la règle de la cuisine, chaque cavalier doit cuisiner, niveau excellence, un midi et un soir pour tout les autres. Cela comprend également l’apéro, les vins, les digestifs. Sur 15 jours, cela représente 30 repas assez incroyables. Tout le monde prépare ses menus à l’avance, les annonce, et vient avec une caisse dédiée (et lourde…). Il y a un projet dans le projet. Les bons cuisiniers brillent et sont les stars d’un soir, les piètres cuisiniers doivent être astucieux, et jouent la carte du produit excellent. On les reconnaît facilement : ils tentent de neutraliser l’assistance dès l’apéro avec des vins d’un autre monde, pour acheter l’indulgence sur le diner. C’est pragmatique, et ca fonctionne.

Pour la règle de la surprise, chaque cavalier doit surprendre tous les autres, une fois, par tous les moyens qu’il juge nécessaire. Ces surprises sont toutes mémorables, et ont lieu chaque jour. Je ne les dévoilerai pas ici, mais l’esprit du groupe est plutôt hussard que club d'équitation à Rambouillet. 

L’un de mes meilleurs souvenirs reste un diner que nous avons fait dans une église superbe. Nous avons installé notre grande table dans la nef, avec nappe en lin et couverts en argent, puis éclairé les lieux avec une centaine de bougies. Ce soir là, un jéroboam d’un grand Granato Foradori a été servi. Marco a cuisiné dans le chœur. Nous étions comme une bande de brigands, ou de maquisards, les chevaux devant l’église dans leur parc. Je me suis réveillé en pleine nuit et dans la lumière faiblissante des bougies, j’ai entendu mes compagnons ronfler à l’unisson dans un concert apaisant et apocalyptique. Le lendemain, il n’y avait aucune trace de notre passage. 

 

Quelle est la continuité du projet?

 

Le projet est né, de manière assez égoïste il est vrai, d’une volonté d’honorer la mémoire de mon père décédé il y a 2 ans. Il devait ramener une jument depuis Banon jusque chez lui à Puligny-Montrachet, mais il n’en a pas eu le temps. J’ai donc décidé de faire ce parcours, en le rallongeant un peu depuis chez moi, près de Bandol. C’est l’une des origines de ce projet et ce voyage à eu un début, puis une fin. Il y avait un but, une trajectoire. Désormais, le simple but est le chemin parcouru avec des chevaux, des amis et une certaine manière de voir le monde. Le projet se métamorphose en une sorte de confrérie ! Nous partirons cet automne de la frontière Italienne, dans le Mercantour, pour rallier la frontière Espagnole en deux ou trois séquences. Le cheval est pour moi un moyen de découvrir le monde ou plus exactement de venir au monde. C’est d’ailleurs je pense sa vocation première. Donc indépendamment des voyages à cheval que nous effectuons deux fois par an, c’est l’esprit de découverte du cheval et des hommes de chevaux qui m’importe. Aller voir ailleurs, comment font les autres. Je préfère aller assister au Grand National à Liverpool ou au Grand Prix de l’Arc de Triomphe qu’à n’importe quel concours de CSO. Assister aux 90 secondes mythiques du Palio de Sienne plutôt que faire des ronds dans un manège. Aller voir des foires aux chevaux : la plus vieille foire aux chevaux d’Europe, à Ballinasloe en Irlande, ou bien celle de Golega au Portugal par exemple. La continuité de ce projet, finalement, c’est aller voir ailleurs si j’y suis.

 

 

 

 

 

 

 

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